Jean
Je suis pour le bonheur de la famille et donc des membres qui la composent. Et si le bonheur passe par le fait d’être avec une femme, c’est très bien pour elle.

Jean a 81 ans et vit à Auray. Il a grandi dans un environnement rural, au sein d’une cellule familiale majoritairement féminine. Il n’a jamais quitté sa terre natale, la Bretagne à laquelle il est très attaché. Il a été marié pendant 55 ans, est père de deux enfants, grand-père de deux petites-filles et est l’heureux arrière-grand-père d’un petit garçon. Jean est témoin d’une époque où les non-dits étaient nombreux. 

Jean
On n’était pas des grands diseurs. Il y avait beaucoup de choses tabous. 
Il y a certains sujets qu’on n’abordait pas, par exemple les petits copains, les petites copines.
Avec le recul, Je trouve que c’était dommage.

Parler de sa vie intime, c'était tabou. Alors, imaginez l’homosexualité... 

Jean
C'est-à-dire qu'à l'époque, on n’en parlait pas. C’était tabou, les gens étaient moins exposés. Maintenant avec les médias on s’informe, on a un peu progressé de cette manière-là. 

Dévoiler son homosexualité est une étape difficile car ceux à qui l’ont fait cette annonce ne savent souvent pas comment la recevoir. Dans ce parcours, c’est la maman de Juliette, qui a appelé son père pour lui annoncer que sa petite-fille était lesbienne. Peu de temps après, c’est Juliette elle-même qui a pris son téléphone pour le dire, à sa manière, à son grand-père. 

Jean
« Maman t’a parlé pour moi », j’ai dit oui et il semblait qu’elle ne voulait pas s’étendre sur la question. Donc elle a raccroché et j’ai eu l’impression qu’elle me testait un peu pour voir si je n’avais pas une réaction négative. 

Jean a d’abord eu des craintes. C’était un monde inconnu qui lui faisait peur. En cause, des croyances erronées et des préjugés sur l’homosexualité. 

Jean
J’ai été étonné, j’étais pas du tout préparé à ça et j’ai eu des craintes aussi parce que moi j’étais un peu naïf sur la question, j’écoutais ce qu’on disait à droite et à gauche, on disait surtout que c’était des couples qui avaient, des relations passionnées, passionnelles, disons qu’on allait au clash. J’avais cette crainte de voir une relation disons éphémère, houleuse, pas heureuse…

Parmi les étapes qui jalonnent ce processus d’acceptation, c’est souvent la confusion qui règne au début. Puis les peurs qui surgissent, celles fondées sur la difficulté d’un engagement dans un couple durable, et puis celles autour de la parentalité. 

Jean
J’ai été pendant 8-15 jours à me poser des questions. Je ne voyais pas ça comme ça au départ.
Je me posais des questions sur les craintes de vie en commun. 
Je me posais aussi la question des enfants, mais maintenant je pense que c’est à tort. 

Les parents ont un rôle fondamental auprès de leur enfant après le dévoilement de son homosexualité. La réaction de ceux de Juliette a été déterminante pour son bien-être dans ce parcours. Ils ont toujours été à ses côtés, ils ont tout de suite accepté et ont su favoriser la confiance de Jean. 
Car l’acceptation des grands-parents est elle aussi importante dans la construction de ce nouvel équilibre familial. C’est ce soutien là que la mère de Juliette a sollicité.

Jean
Quand ma fille m’a annoncé ça, ce qui m’a rassuré un peu c’est le fait qu’ils soient heureux de ça.
Le fait que les parents aient pris ça de manière positive.

Très vite, les peurs de Jean liées à l’inconnu vont se dissiper. Et c’est le chemin de l’acceptation qu’il va emprunter. Le pont vers sa nouvelle vision positive et saine de l’homosexualité de Juliette ce fut la rencontre avec sa partenaire Anne-Charlotte. 

Jean
Elle était très gentille, très mignonne, elle l’est toujours d’ailleurs, et là ça a apaisé mes craintes. 
Non, ça s’est très bien passé. 

Juliette est heureuse avec sa partenaire, elles vivent ensemble depuis deux ans, ont des projets de mariage et de maternité. Anne-Charlotte s’est fait une place dans la famille et Jean s’entend bien avec elle. Son ouverture d’esprit et sa capacité à se remettre en question ont été des atouts pour déconstruire ses préjugés sur l’homosexualité. Jean met un point d’honneur à parler du couple que forment Juliette et Anne-Charlotte à son entourage, comme s’il voulait briser des tabous...

Jean
J’en ai parlé à des amis, je leur ai dit que ma petite-fille était avec une autre femme, en fait ça s’est bien passé, je pensais que peut-être ils auraient eu l’air, et non ils ont tout de suite bien réagi. 

Du haut de ses 81 ans, Jean a eu besoin d’un temps d’adaptation pour dissiper ses inquiétudes. Sa perception de l’homosexualité était fondée sur des croyances négatives. Les parents de Juliette l’ont immédiatement soutenue et ont ouvert la voie pour elle auprès de Jean. Ce qui l’a amené à vivre sainement ce processus, c’est sa volonté de préserver le bonheur de Juliette. Il a fait preuve de compréhension et a changé de point de vue sur l’homosexualité. 

Jean
Je suis pour le bonheur de la famille et donc des membres qui la composent. Et si le bonheur passe par le fait d’être avec une femme, c’est très bien pour elle.
Ça m’a appris un peu la tolérance, je pense que les gens sont plus tolérants maintenant, moi aussi d’ailleurs, qu’auparavant. 

Avec Juliette ils sont aujourd’hui très complices, ils s'écrivent plusieurs fois par semaine et partagent des moments en famille dès qu’ils le peuvent. Leur proximité est intacte, elle se conjugue au présent et au futur. 

Jean
Moi j’ai plus d’arrières pensées là-dessus négatives, chacun a le droit à sa sexualité.
Je pense que c’est la vie qui prime d’abord et les conditions de vie. Pour vivre sa vie, il faut la vivre pleinement et ne pas avoir toutes ces restrictions.

Notre rôle à tous, c’est d'agir chacun à notre niveau pour faire évoluer les mentalités. Pour que l’affirmation de son homosexualité, de sa bisexualité ou de sa transidentité ne soit plus une étape douloureuse. Parce que contre l’intolérance, c’est à nous de faire la différence… Comme Jean. 

Jean
Je crois que le droit à la différence, c’est d’abord la liberté, c’est la liberté de faire ce qu’on veut, de vivre avec qui on veut et de dire ce qu’on veut dans la limite bien sûr prescrite par la loi.

Et quand on demande à Jean la raison de son témoignage dans ce podcast, c’est à Juliette qu’il le dédie... 

Jean
Dans sa démarche elle est courageuse, mais elle est bien trempée pour ça, moi je suis fière d’elle.