Françoise
Souvent on se fait des idées sur nos enfants. Ils sont beaucoup plus forts qu’on ne le pense. Et se dire que quand ils nous révèlent leur homosexualité, eux ils ont fait un chemin solitaire par rapport à ça, solitaire et difficile.
Françoise vit à Chatou. Elle était kinésithérapeute, elle est aujourd’hui une retraitée active. Elle est divorcée. Elle a deux filles Laurie 36 et Céline 38 ans avec lesquelles elle entretient une relation fusionnelle. Françoise a grandi au sein d’une famille unie en pleine révolution de la jeunesse du baby boom.
Françoise
J'étais une fille de 68 donc automatiquement le sujet de la sexualité avec mes filles je l’ai abordé tout à fait simplement.
Lorsqu’à l’adolescence Céline, sa fille aînée traverse une période de mal-être, Françoise s’interroge sur sa sexualité. Elle n’ose pas aborder le sujet avec elle de peur d'être intrusive, en plus, à cette époque, l’ambiance à la maison n’est pas sereine ; Françoise est en plein divorce avec le père de ses filles. Alors elle fait appel à un thérapeute, pour renouer le dialogue.
Françoise
J’ai eu l’impression que ça l’a aidé, je pense, c’est sûr. Mais les mots n’étaient toujours pas dits. Et moi je soupçonnais des choses quand même.
Françoise n’a jamais eu de jugement négatif envers l’homosexualité. Pourtant lorsqu’une nuit, en passant devant la chambre de sa fille elle l’entend échanger des mots tendres avec une jeune femme, elle prend conscience de son homosexualité et est un peu déstabilisée.
Françoise
J’avais plus de doute, le doute était confortable quelque fois pour moi aussi. Donc j’ai dit d’accord. Je suis retournée me coucher un petit peu sonnée aussi quand même, parce que c’est jamais facile même si je n’avais pas d'a priori par rapport à l’homosexualité et que je n’en avais jamais eu avant, c’est quand même difficile, effectivement, on se pose plein de questions.
Elle a eu des craintes mais elle a très vite accepté car elle fait preuve d’une grande ouverture d’esprit et surtout, son amour pour ses filles est inconditionnel.
Françoise
Mes peurs, mes craintes c’était essentiellement qu’elles soient rejetées. Le rejet dans la société, dans leur travail, les violences verbales ou physiques, hélas.
Souvent, ce que les parents redoutent c’est l’hostilité des autres et le regard de la société sur l’homosexualité. Françoise a su canaliser ses anxiétés, et surtout laisser du temps à Céline pour avancer sur sa propre acceptation. Un jour, suite à la découverte d’un échange sans équivoque sur l’ordinateur familial entre Céline et sa partenaire, son ex-mari précipite la révélation. Françoise décide alors d’avoir une discussion avec elle.
Françoise
Je lui ai dit ce que je ressentais par rapport à ça, que moi ça ne changeait rien à ce qu’elle était. Qu’elle était ma fille, et je l’aime tout simplement.
L’important c’est de ne pas briser la confiance qui s’installe à cet instant. Françoise a immédiatement été là pour rassurer et instaurer un dialogue. Son attention s’est portée sur le bien-être de sa fille plutôt que sur ses propres appréhensions.
Françoise
C’est compliqué et puis souvent ils n’en parlent pas, en tout cas à leur proche famille. Ça arrive peut-être qu’on en parle à ses parents, Et c’est bien. Mais chez nous ça n’a pas été le cas. Je pense que dans d’autres familles c’est pareil. Donc son mal-être je pense qu’il était là aussi, bien sûr.
Longtemps, Françoise a eu des doutes sur l’orientation sexuelle de Laurie, son autre fille.
Françoise
Forte de l’expérience avec mon autre fille. Je lui posais, je ne voyais pas de garçons non plus. Garçons amis, vie sociale, pareil comme sa soeur mais je ne voyais pas de garçons. Donc forcément je me repose la question.
Même si l’homosexualité n’était pas un problème pour moi, je me disais quand même ah ben oui mais la deuxième aussi alors.
Plus réservée, la fille cadette de Françoise a caché son homosexualité à sa mère pendant 10 ans pour la préserver. Elle craignait de lui imposer une seconde fois une déception, malgré les tentatives de Françoise pour l’amener à s'ouvrir sur le sujet. Un soir, Laurie propose à Françoise un tête-à-tête au restaurant, et lorsqu’elle s’est enfin ouverte à elle, ce fut une libération pour toutes les deux.
Françoise
Elle me dit non, écoute c’est comme ma sœur.
Et là très spontanément, je lui ai dit et alors ? Et alors ? Et là ça a été une grosse émotion pour nous deux.
Oser dire la vérité, affirmer qui l’on est, c’est souvent le fruit d’une longue réflexion, pour la fille cadette de Françoise il aura fallu dix ans. Une fois l’annonce passée, leurs liens en ressortent plus solides encore.
Françoise
Quel soulagement ! On est sorties du restaurant comme je l'ai dit, "superficiels et légers" pour reprendre la chanson de Michel Berger. On était bien, ça y est les choses étaient dites et elle pouvait enfin être ce qu’elle est. Tout simplement.
L’histoire de Françoise est étonnante, mais ce qui est le plus marquant dans ce parcours ce n’est pas le fait que ses deux filles soient homosexuelles, c’est la manière dont Françoise a su les soutenir sur leur propre chemin d’acceptation.
Françoise
Cette expérience-là nous a vraiment soudé, on l’était déjà avant. On avait d’excellentes relations toutes les 3, mais là ça a été vraiment la fusion totale. Moi en tant que mère, préserver absolument mon nid et elles en tant que filles, maman voilà, elle a compris, elle nous soutient.
Aujourd’hui Céline et Laurie vont bien, elles ont trouvé leur équilibre et vivent en couple. Françoise a d’excellentes relations avec ses belles-filles et a très envie d’être grand-mère. Ce qu’elle souhaite aujourd’hui c’est porter un message, parce que contre l’intolérance, c’est à nous de faire la différence.
Françoise
Souvent on se fait des idées sur nos enfants. Ils sont beaucoup plus forts qu’on ne le pense. Et se dire que quand ils nous révèlent leur homosexualité, eux ils ont fait un chemin solitaire par rapport à ça, solitaire et difficile. Donc c’est une preuve de confiance qu’ils nous font en nous révélant leur homosexualité. Donc il faut les accueillir, ouvrir le dialogue, on s’en sentira mieux nous-même d’ailleurs.
Françoise est bénévole au sein de l’association Contact qui lutte contre la discrimination des personnes LGBT et vient en aide aux familles pour comprendre l’orientation sexuelle et l’identité de genre de leurs proches. Françoise milite pour que le coming-out ne soit plus une étape douloureuse, et dans ce combat nous avons tous un rôle à jouer.
Si vous voulez connaître la raison de son témoignage ici, la voici :
Françoise
Pour que les mentalités évoluent encore, vite et beaucoup plus vite. Et lutter contre cette intolérance, contre nos préjugés, nos croyances, nos fantasmes quelque fois par rapport à l’homosexualité.