Transcription teaser de l'épisode 2

Vanessa
Ce qui a été super c’est qu’il a vraiment été très bien avec mon frère, dans le sens où ce soir-là, il l’a raccompagné chez lui. Et apparemment mon père l’a pris dans ses bras, a eu un geste physique pour accompagner ce qu’il disait au repas. Ça ne change rien, t’es mon fils, je t’aime, y’a aucun problème. 

Affirmer son orientation sexuelle reste encore une étape douloureuse. Dans cette histoire, cette annonce est entendue, mais il faudra du temps pour qu’elle soit digérée. C’est ce dont nous parle Vanessa dans ce récit de l’acceptation de l’homosexualité de son frère Raphaël.

Vanessa a 30 ans, elle vit à Levallois-Perret et est scénariste. Raphaël lui est chef de produit dans l’univers du luxe. Ils sont très proches tous les deux, tellement qu’ils se considèrent comme des jumeaux malgré leurs deux ans d'écart. C’est une famille plus de culture juive que de religion juive, comme le souligne avec humour Vanessa.

Vanessa
On est ce qu’on appelle des juifs du dimanche, du dimanche très souple. On fait des grandes fêtes comme Kippour, Pessah, Hanouka, mais on mange du porc. 

Leurs parents ont divorcé alors que Vanessa et Raphael étaient encore petits et chacun s’est remarié. Mais pour autant, la famille est restée unie. Elle s’est transformée puis recomposée mais c’est une famille au sein de laquelle on peut parler de tout. Et surtout : blaguer sur tout. Ici on utilise l’humour comme un remède à la morosité, comme rempart à la pudeur aussi parfois.

Vanessa
Je mets toujours un peu d’humour, plus c’est grave, plus j’essaie d'être drôle.

Parmi les fêtes juives, il y a Kippour, le grand pardon. 25h de jeûne pour se repentir suivi d’un repas familial et festif. C’est ce jour-là, que Raphaël, alors âgé de 25 ans, a choisi pour annoncer son homosexualité à sa famille. Il a commencé par faire son coming-out la veille à sa sœur, en lui tendant un bout de papier.

Vanessa
À la fin du film, il m’écrit sur un petit post-it, “hey Vanessa, je suis gay”. Mais il écrit très, très mal mon frère, et j’arrivais pas à lire. Limite j’ai lu j’suis goy. Qui veut dire j’suis pas juif ! Et nous non plus, pas trop.
Il me le réécrit mieux, limite il le souligne.
Il aime bien les choses assez direct, et cash. Donc je pense que c’était juste plus simple de l’écrire que de le dire.  

Vanessa n’a jamais émis un jugement sur la sexualité de son frère, elle est immédiatement en soutien avec lui. Ce qui compte, c’est qu’il se sente bien et qu’aucun secret n’ait sa place entre eux. 

Vanessa
Je restais un peu pudique comme il me l’avait écrit je ne savais pas trop jusqu'où je pouvais aller. J’ai le souvenir d’être restée assez cool, je lui ai demandé s’il avait quelqu’un, ce genre de chose quoi.

Cacher un pan entier de sa vie à ses proches, ça empêche d’être soi-même, ça va jusqu’à parasiter les liens les plus authentiques. Le coming-out est souvent motivé par un besoin d’en finir avec le mensonge, et l’envie de ne plus vivre caché. C’est un acte qui demande beaucoup de courage. Le lendemain de l’annonce à sa soeur, au moment de rompre le jeûne de kippour, la famille est réunie autour de la table, et Raphaël, téméraire, révèle à ses parents qu’il est homosexuel.

Vanessa
Juste après mon frère a annoncé à mes parents : j’ai deux trucs à vous dire. J’ai vu mon père s’agripper à la table…Tout le mode se doutait, de plus en plus, et puis ma belle-mère avait fait avec mon père depuis quelques années un gros travail, « tu sais, il est peut-être gay… »

Après cette révélation, ils semblent tous sereins. Comme le père de Raphaël qui est là pour rassurer son fils et lui témoigner son amour, ce qui est indispensable pour celui qui vient de surmonter cette étape.  

Vanessa
Ce qui a été super c’est qu’il a vraiment été très bien avec mon frère, dans le sens où ce soir-là, il l’a raccompagné chez lui. Et apparemment mon père l’a pris dans ses bras, a eu un geste physique pour accompagner ce qu’il disait au repas. Ça ne change rien, t’es mon fils, je t’aime, y’a aucun problème. 

Mais ce ne fut pas aussi simple que ça. La première réaction c’est souvent la surprise, le choc pour certains, puis ensuite viennent les inquiétudes liées à la peur de la différence et la méconnaissance de l’homosexualité… Pour le père de Raphaël, il a fallu renoncer à l’image idéalisée qu’il se faisait de son fils, il a fallu admettre qu’il n’est pas comme lui, qu’il aime les hommes et que, pour autant, il est toujours le même. 

Vanessa
Il m’a appelé le lendemain en me disant c’est terrible, c’est le pire jour de ma vie.
Il m’agace quand il dit ça parce que je trouve ça disproportionné et du coup, de l’humour je passe peut-être un peu plus à la réprimande, je me mets un peu plus en rôle de parents pour l’engueuler, lui dire non mais t’es pas content pour lui ? Il me dit si pour lui c’est très bien. C’est bien pour lui mais moi je suis de l’ancienne génération, c’est pas facile pour moi. J’ai des images dans la tête…

Les images dont il est question, c’est la difficulté à accepter un autre schéma, une autre sexualité. Au début, pour beaucoup de parents, la nouvelle est rude à encaisser parce que leurs certitudes sont mises à mal. Ce qui contrariait le père de Raphaël, c'était l’idée que peut-être, son fils ne transmettra pas son nom.

Vanessa
Dans toutes les familles, je pense que c’est important de transmettre le nom, mais nous encore plus puisque ce nom de famille est très rare. Et je pense qu’il a eu, mon père, le fantôme de son propre père, qui planait au-dessus de lui, en disant “mince t’as raté quelque chose parce que ton fils ne va pas transmettre le nom. Ce à quoi je lui dis déjà 1/ tu sais pas parce qu’il peut très bien avoir des enfants et puis y'a moi, je peux transmettre le nom moi aussi.

Vanessa a naturellement endossé un rôle souvent joué par les sœurs dans les parcours d’acceptation : celui de médiatrice pour apaiser les craintes de ses parents, maintenir la communication et veiller au bien-être de son frère. 
Parfois au prix de quelques disputes avec sa mère, qui a pourtant accueilli l’annonce de l’homosexualité de Raphaël de manière plutôt positive.

Vanessa
Je suis venue la voir pour savoir comment elle allait. Et elle m’a dit un truc assez joli, que j’ai vraiment beaucoup aimé. Elle m’a dit :
“Quand il me l’a dit, je l’ai trouvé rayonnant, il m’a annoncé ça comme si c’était une bonne nouvelle, alors je l’ai pris comme tel.”

Avant d’avancer sur le chemin de son acceptation, la mère de Raphaël s’est un temps égarée dans des considérations qui consistent à prendre l’homosexualité de son enfant comme une fantaisie. Parfois le déni se place à de drôles d’endroits...

Vanessa 
Du coup elle m’a posé les questions qu’elle ne lui a pas posées. 
“Je comprends pas, s’il a jamais essayé avec une fille, comment il sait qu’il n’aime pas ça ?”

Mais ce qui compte plus que tout le reste pour la mère de Vanessa, c’est le bonheur de ses enfants. Et pour celui de son fils, elle a choisi de le soutenir, de l’entourer de son amour et de l'accepter tel qu’il est. Elle a d’ailleurs changé de point de vue en route sur le mariage gay. Elle qui n’était pas très sensible à cette cause a aujourd’hui un tout autre avis sur le sujet....

Vanessa
“Elle serait très heureuse que son fils se marie.”

Dans notre société, être homosexuel signifie encore être hors norme au regard du plus grand nombre… C’est précisément ce contre quoi nous luttons. 
Dans cette famille, qui a pourtant eu une réaction bienveillante face à l’annonce de l’homosexualité de Raphaël il y a eu des poches de résistance de la part de ses parents. Son coming-out est venu bouleverser un schéma ancré dans une norme, celle de l'hétérosexualité. 

Raphaël a eu le courage d’affronter cette tempête que le coming-out génère souvent au sein des familles. Il est aujourd'hui bien dans sa peau, épanoui dans sa sexualité et accepté tel qu’il est parmi les siens. 

Vanessa
Alors il est toujours pudique sur sa vie, mais il est vachement mieux. Avant il était plus renfermé, il parlait vraiment très peu, maintenant il parle vachement plus. Il parle toujours peu, mais on le sent mieux et tout le monde l’a senti et très très vite après.

Vanessa a été à ses côtés pour le soutenir et favoriser la parole au sein de la famille. Malgré les craintes des parents au sujet de l’homosexualité, l’amour n’a jamais cessé de s’exprimer et la communication a été la clé de ce parcours. Le cheminement qui conduit à l’acceptation peut être long, parfois chaotique, mais il vaut la peine d’être parcouru. Car au bout, c’est l’équilibre d’un enfant, d’un adulte, et d’une famille toute entière qui est en jeu. 

Les parents de Raphaël ont intégré cette nouvelle réalité : leur fils est gay et alors ?  Les pensées négatives ont cédé la place à l’acceptation. Raphaël n’a pas encore de compagnon, mais ses parents sont prêts à rencontrer son futur partenaire. Vanessa n’est jamais très loin de lui et fait preuve de toujours autant de tolérance.         

Vanessa
“ramène moi ce que tu veux”
“mais pas un con”, un con je pourrais pas !

Nous avons tous un rôle important, celui d’agir à notre niveau pour faire évoluer les mentalités. Pour que l’affirmation de son orientation ou de son identité sexuelle ne soit plus jamais une étape douloureuse. Parce que contre l’intolérance, c’est à nous de faire la différence… Comme Vanessa. 

Vanessa
J’ai mon meilleur ami qui dit toujours rigole la vie est belle. La meilleure chose à faire et pour tous les sujets, c’est pas grave, je veux dire rien n’est grave, rigole la vie est belle.

Et si vous voulez savoir pourquoi Vanessa a témoigné dans ce podcast, voici sa réponse : 

Vanessa
“Y a rien à pas accepter, il est comme il est et ça lui va très bien. Je l’accepte et les gens qui me connaissent le savent, mon frère c’est la personne que j’aime le plus au monde.”