Transcription teaser de l'épisode 1

Madé
C’était une décision apparemment mûrement réfléchie depuis longtemps de son côté. Malheureusement j’ai pas eu part à cette évolution, cette demande, enfin cette recherche de sa part avant cette fameuse journée. 

Madé vit à Paris, il a 59 ans. Il est galeriste et agent de photographes.
Il est divorcé et père de 4 enfants. Fils d’immigrés, il a grandi à Créteil dans les années 60-70 au sein d’une famille d’origine algérienne.

Madé
Mes parents étaient culturellement attachés au ramadan, aux fêtes religieuses etc, mais mes parents ne faisaient pas la prière. 
La cité où je vivais était très mixte, très mélangée, il y avait une immigration totalement hétéroclite. 

Il y a quatre ans, son fils aîné lui fait part de sa transition pour changer d’identité de genre. C’est le choc pour Madé, il ne s’y attendait pas du tout. 

Madé
On est allés déjeuner et puis moi je me questionnais sur les ongles peints de mon fils, et il me dit justement, il faut que je te raconte quelque chose. Et là, au cours de ce déjeuner, j’ai appris sa volonté de changer de sexe, en tout cas de changer d’identité. C’était un moment assez curieux parce que j’étais un petit peu surpris, abasourdi, j’ai pas tout… voilà c’était assez curieux…J’ai mis du temps à poser les choses et à bien comprendre.

Lorsqu’un enfant révèle à ses parents qu’il est trans, le choc peut s’avérer brutal. Madé a été déstabilisé et bouleversé par cette annonce. Comme pour beaucoup de parents, cette nouvelle réalité a été douloureuse à accepter. Et les questions ont fusé, au fur et à mesure que Madé entamait son parcours d’acceptation.

Madé
J’ai éprouvé un sentiment aussi de culpabilité, y’a plein de choses qui viennent en tant que papa, c’est un peu particulier quoi. 
Et c'est plutôt le soir quand je suis rentré chez moi que j'étais en mode réflexion. J’ai très mal dormi d’ailleurs… 

Mais bien que cette situation soit difficile pour celui qui reçoit cette annonce, il ne faut jamais oublier le courage dont fait preuve la personne qui fait cette annonce. Elle n’a pas choisi sa situation, ni ses sentiments et a besoin de compréhension et de soutien. Avant que Tina ne lui fasse part de sa transition, Madé n’avait remarqué aucun signe avant coureur. 

Madé
C’était une décision apparemment mûrement réfléchie depuis longtemps de son côté. Malheureusement j’ai pas eu part à cette évolution, cette demande, enfin cette recherche de sa part avant cette fameuse journée. 

Il est tout à fait normal d’avoir besoin de temps pour digérer cette annonce, car il s’agit là pour le parent d’amorcer un deuil pour accompagner son enfant vers sa transition. Il ne faut pas hésiter à nommer son malaise, à exprimer ses peurs avec douceur, cela contribue à maintenir le dialogue et c’est ce dont un enfant a besoin dans ce cas. 
Ce que Madé souhaite, malgré sa pudeur et sa confusion, c’est faire passer un message à sa fille. Il veut être là pour Tina et s’impliquer davantage dans sa vie. 

Madé 
En tant que père, on a envie que ses enfants aient un joli parcours, une belle santé, un bel avenir, la joie de vivre… et on s’inquiète si ça ne va pas dans ce sens là.
Bien sûr que j’étais inquiet et bien sûr que ça m’a culpabilisé dans le sens où je me dis que j’ai peut-être mal fait quelque chose, ou il y a un défaut d’accompagnement, je ne sais pas. 

Les personnes transgenres considèrent être nées dans un mauvais corps, avec une identité de genre qui ne correspond pas a leur sexe biologique. C’est pourquoi elles décident d’en changer, comme Tina. Mais cela n’a aucun lien avec l’orientation sexuelle. Pourtant la confusion entre transidentité et orientation sexuelle est un des amalgames les plus fréquents… Tina elle, est en couple avec une femme depuis huit ans, et sa compagne est a ses cotés sur son parcours de transition. 

Madé
Y’avait pas d'ambiguïté sur son orientation sexuelle, donc c’est pour ça que j’insiste c’est vraiment une recherche d’identité, plus qu’une recherche d’identité sexuelle. Pour moi c’est pas forcément lié, Pour moi c’est une personne qui aime les femmes.

C’est le regard des autres qui est souvent le principal frein à l'acceptation de soi pour les personnes transgenres. Dans cette famille, bien que la communication entre Madé et son enfant ne soit parfois pas toujours évidente, Tina a eu le courage de faire part de sa transition à son père. Même si Madé a encore besoin de temps pour accepter totalement cette démarche, malgré ses craintes, il est ouvert au dialogue et souhaite prendre part à la vie de Tina, car ce qu’il souhaite c’est son bonheur. 

Madé
Je ne sais pas si elle pense que je perçois mal ce changement, ce n’est pas que je le perçois mal, c’est que j’ai du mal avec cette idée mais je suis prêt à l’accompagner.

Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que la transidentité n’est jamais vécue comme un choix. C’est une évidence qui s’impose aux personnes transgenres. 
Il est difficile de revendiquer sa véritable identité quand on sait le combat que cela représente ; de lourdes étapes médicales, mais aussi psychologiques et administratives. Et souvent, la méconnaissance de la transidentité qui est un obstacle supplémentaire à affronter. C’est pourquoi certaines personnes transgenres souffrent en silence dans un corps qui les dérangent. 

Tina elle, a eu le courage de faire face à ce parcours du combattant, de s’exposer au regard des autres, de la société et de le dire à sa famille. Elle est aujourd’hui soutenue au quotidien par sa compagne, et entourée par sa famille même si la pudeur des rapports avec son père fait parfois écran à la discussion. 

Madé
J’ai eu besoin d’en parler, ma compagne a été formidable. Elle a été là tout de suite, très volontaire la dessus, à provoquer des rencontres avec mon enfant parce que moi j’étais perturbé avec ça. J’en ai parlé très vite aux enfants pour comprendre aussi si eux ils avaient compris. D’en parler à la maman aussi, d’en aussi à mon autre fille qui elle vit à l’étranger qui a trouvé ça très courageux.

Nous avons tous un rôle à jouer dans ce combat, pour que le regard sur la transidentité change et que plus personne ne souffre en silence. Car face à l’intolérance, c’est à nous de faire la différence… Comme Madé.

Madé 
Quand on est différent, c’est difficile, on vous le fait ressentir, à l’école, dans toute votre vie, être différent je sais ce que c’est, c’est pas un problème pour moi, j’aurais plutôt envie de lutter pour ça d’ailleurs.

Si vous voulez connaître la raison du témoignage de Madé, voici sa réponse.

Madé
C’est un témoignage d’amour.
Oui je suis fier de cet enfant, parce que encore une fois c’est quelque chose de courageux.