Sandrine
Je me suis sentie toujours proche de lui, mais c’était un sujet dont on ne parlait pas, mais j’ai toujours mis ça sur le coté pudique. Donc finalement y’avait autre chose, y’avait pas que ça…
Sandrine a 48 ans, travaille à la RATP dans les ressources humaines et vit à Brétigny sur Orge dans l'Essonne. Elle est divorcée, maman de deux grandes filles. Elle est l'aînée d’une fratrie de trois enfants, qui a grandi au sein d’une famille unie à Echirolles près de Grenoble. Les parents de Sandrine ont arrêté l’école très tôt, leur père est chauffeur routier et leur mère a cessé de travailler pour élever ses enfants. Leurs parents leur ont transmis des valeurs essentielles ; l’ouverture d’esprit, la curiosité et la bienveillance.
Sandrine
C’est vrai que j’ai des parents qui n’ont pas un grand niveau scolaire mais à côté de ça pour le coup, un papa qui aime découvrir, s’informer, qui lit beaucoup. Donc voila j’ai des parents très curieux, très libres dans leurs têtes qui ont grandi comme ça aussi et je pense que toute cette grande tolérance qui ne vient pas du nombre d’années d’étude mais qui vient de leur vie.
Sandrine a toujours été très proche de son frère, pourtant Lionel a attendu d’avoir 21 ans pour annoncer son homosexualité à sa sœur. À cette époque, Sandrine a 30 ans et elle est enceinte de sa première fille.
Sandrine
Je suis à un repas d’amis, et il me l’annonce. Il est désemparé en fait, et moi je sens que, j’ai deux sentiments. Je sens que ça peut être grave, et en même temps c’est comme si j’avais un soulagement de découvrir quelque chose qui me manquait, dans notre histoire à tous les deux.
La réaction de Sandrine n’a jamais été un problème, elle a immédiatement réalisé à quel point ce secret avait dû être lourd à porter pour son frère et accepté sa sexualité. Ce qu’elle redoutait, c’était l’effet de cette annonce sur leurs parents. Cette étape que Lionel a surmonté avec courage et qui a retenti comme une bombe dans la maison.
Sandrine
Il l’a annoncé en criant.
Ils étaient tous les trois, mes parents et lui, et là ça a été un choc pour notre maman. Sortir cela, c’était sortir une bombe. Il ne savait pas comment on allait réagir en fait, même si au fond il y a toujours eu de l’amour, c’est tellement tabou qu’au fond on ne sait pas comment les gens vont réagir, et encore plus ceux qu’on aime.
Quand il s’agit de faire l’annonce de son homosexualité il existe une grande diversité de trajectoires, de circonstances et de manières de l’exprimer mais bien souvent, le sentiment qui jailli en premier du coté des parents, c’est celui de l’incompréhension. Bien qu’aimante et protectrice avec son fils, la mère de Lionel a eu une réaction physique immédiate.
Sandrine
Maman a eu un choc, maman est partie vomir, suite à cela elle a eu carrément un choc émotionnel en fait avec un torticolis, ça a été très dur pour elle. Papa est quelqu’un de taiseux donc papa ne s’est pas exprimé.
Parmi les sentiments que l’annonce de l’homosexualité d’un enfant provoque chez ses parents, il y a aussi la peur ; la peur du regard de la société, des autres et des souffrances que cela pourrait engendrer.
Sandrine
Maman a surtout eu peur du jugement des autres sur mon frère. Et d’ailleurs, quand elle en parlait, elle était assez agressive. Elle le cachait peut-être parce qu’elle n’osait pas le dire, mais aussi, elle ne voulait pas en parler à la famille parce qu’elle avait peur qu’on dise des mauvaises choses sur mon frère. Et pour ça, elle aurait mordu…
Et puis il y a la culpabilité. Dans un monde où l’homophobie persiste, apprendre que son enfant est homosexuel suscite chez certains parents un sentiment d’échec. Il en découle souvent un questionnement trouble qui consiste à considérer l’homosexualité de son enfant comme un défaut, comme la conséquence d’un manquement dans son éducation. C’est ce qui s’est produit au début pour le père de Lionel.
Sandrine
Mon papa a cherché dans les livres des réponses, ou pas, est-ce qu’il a trouvé, il faudrait lui redemander. De savoir qu'il en était responsable, c’est ça qui est fou. C’est de se dire, comme quoi il y a une part qui n’est pas normale pour eux, et puis de comprendre. Pourquoi mon fils aime les hommes et pourquoi mon fils n’est pas comme moi.
Au sein de cette cellule familiale fragilisée par l’incompréhension Sandrine a eu un rôle important. Elle a écouté les doutes, les peurs et essuyé les larmes, elle a aidé à déconstruire des schémas de pensée ancrés dans une norme établie.
Sandrine
Lui dire que ben oui, effectivement, c’était pas grave, c’était son histoire, c’était de l’amour, il aime les hommes et alors quoi ?
J’ai le souvenir à un moment donné d’avoir eu envie un petit peu de la secouer, de lui dire, ça c’est ce que tu ressens c’est toi, lui il est bien donc il faut qu’on le suive. Si lui il est bien, le travail il est fait en soi. Nous on a juste besoin de l’accompagner.
Au fil du temps les pensées négatives prennent de moins en moins de place, elles diminuent à mesure que les parents intègrent cette nouvelle réalité de l’homosexualité de leur enfant sur le plan intime, social aussi.
Sandrine
Mes parents n’ont jamais tourné le dos, bien au contraire. L’amour a toujours été présent. Après, il fallait que mes parents se fassent à l'idée quoi. Tout simplement.
Il y a l’affirmation de soi chez soi, parmi les siens et puis il y a celle que l’on fait au quotidien, dans son environnement amical ou professionnel. Pour certains la peur du regard des autres est un frein, pour d’autres, comme Sandrine, ce peut être un moteur. Pour elle, le coming-out social relèverait presque de l’acte militant...
Sandrine
Ça m’est arrivé de parler de mon frère et de mon beau-frère et qu’on m’ait dit, notamment dans la sphère professionnelle, “mais tu as un frère, pourquoi, d'où il vient ton beau-frère” Et là on se doit de se justifier, oui mon frère est avec un homme. C’est vrai, il y a un coming-out social.
Il faut se justifier. C’est dur quoi, parce qu’on n’a pas envie de se justifier. Mais maintenant avec le temps, c’est devenu une petite fierté, je vous présente mon frère et mon beau frère. Et voilà, les gens comprennent.”
L’orientation sexuelle de Lionel n’est plus du tout un tabou dans sa famille. Ses parents ont eu besoin d’un temps d’adaptation en raison d’une perception négative et erronée de l’homosexualité. Mais ce qui a primé chez eux c’est l’amour qu’ils éprouvent pour leur fils. Ils ont ouvert les yeux, changé d’opinion et fait preuve de tolérance. Lionel s’est senti libéré, il a présenté son partenaire Yannick à ses parents, ils sont d’ailleurs aujourd’hui mariés depuis 8 ans.
La famille est soudée, ils partagent des repas, des week-ends, des projets et les seules frontières qui persistent ce sont celles des pays qu’ils visitent ensemble lors de leurs nombreux voyages.
Notre rôle à tous, c’est d’agir chacun à notre manière pour faire évoluer les mentalités. Pour que l’affirmation de son identité ou de son orientation sexuelle ne soit plus jamais une étape douloureuse. Parce que contre l’intolérance, c’est à nous de faire la différence...comme Sandrine.
Sandrine
Au quotidien, je fais la différence en parlant librement à mes filles du choix de leur sexualité, qu’il leur appartient et qu’elles peuvent autant aller vers une fille que vers un garçon.
Et si vous voulez savoir pourquoi Sandrine a témoigné dans ce podcast, voici sa réponse.
Sandrine
C’est une cause qui me tient à cœur, certainement parce que j’aime très fort mon frère. C’est une façon de dire à mes filles, prenez le chemin que vous voulez aussi.